Je ne sais pas comment cela se passe pour les autres écrivain•e•s, mais trouver une fin à une histoire n’est jamais une évidence pour moi. Il me faut faire couler beaucoup d’encre et de sueur pour qu’enfin une issue se profile. Et bien souvent, ces prétendues fins ne sont que des ouvertures : sur de nouvelles contrées à explorer, de nouveaux personnages à découvrir, de nouvelles aventures à vivre…
En y réfléchissant bien, je m’aperçois qu’en fait je n’aime pas ça, les fins. Voilà sans doute l’une des raisons qui expliquent que je sois si piètre novelliste et que toutes mes nouvelles deviennent les préquelles de nouveaux projets.
Je suis persuadé que si l’Auteur en moi éprouve tant de difficultés à trouver des fins à ses histoires, c’est parce qu’une part de la personne que je suis dans la vie (appelons là Le Penseur, ou Le Mystique selon les points de vue) a du mal à concevoir que les choses puissent en avoir une. Tel Rabastan, le nécromancien héros de ma saga d’urban fantasy Corps & âme, je pense que jamais rien ne disparaît tout à fait, que jamais rien ne se crée, mais que tout se transforme. Les choses ont l’air de disparaître, car on ne les retrouve plus sous l’apparence qu’on leur a toujours connue, mais elles survivent sous une autre forme. (Oserais-je vous parler des dinosaures qui, malgré une idée très répandue, vivent encore tout autour de nous – mais si, les oiseaux –, ou vous saturez de me voir parler de dinosaures sur ce blog ?).
Ainsi, je crois en l’immortalité de l’âme et au cycle des réincarnations. Ma découverte des romans de Bernard Werber a d’ailleurs largement contribué à renforcer mes convictions à ce sujet. Au point que je ferai volontiers passer Pour moi la vie va commencer le jour de mes funérailles, mais je doute que la blague soit du goût de tout le monde.
Lorsque j’y regarde de plus près, je me rends compte que mon aversion du concept de fin se niche même dans les replis intimes de ma vie ; lorsque j’ai aimé quelqu’un, qu’importe le nom que les conventions sociales donnent à cet amour, je lui garde mon affection, sans considération des circonstances qui ont vu nos chemins se séparer, et il faudrait vraiment me faire la crasse du siècle pour la faire cesser. Une capacité qui me vaut tour à tour l’admiration et l’incompréhension de mes semblables, surtout lorsque l’on parle de mes ex (quel horrible mot que celui-ci !), mais ce qui s’applique à mes relations sentimentales s’applique aussi à mes relations amicales et professionnelles. Rares sont les gens avec lesquels je décide sciemment de rompre le contact. Même si je demeure parfois longtemps sans donner de nouvelles, car je suis absorbé dans mes projets et dans le quotidien, les liens tissés continuent à vibrer dans mon cœur dans l’infinitude de la courbe de Chronos.
Puisque les choses sont ainsi dans ma vie, il me paraît logique qu’elles empruntent le même chemin dans ma pratique de l’écriture. Ainsi, pour quiconque me lit, mon univers semble ne jamais devoir connaître de fin. Quasiment tous mes textes sont indépendants les uns des autres tout en étant aussi tous interconnectés… Et chaque nouvel élément trouve un jour sa place dans ce grand puzzle. Les liens entre les différents événements et personnages émergent d’eux-mêmes au fil de la rêverie, et je n’ai plus qu’à les consacrer par l’acte d’écriture.
En fait, outre la peur de « rater ma sortie », je crois que si je dois déployer tant d’efforts pour trouver des fins à mes histoires, c’est parce que j’estime que l’existence de nos personnages ne s’arrête pas au dernier mot du livre, quand l’œil des lecteurs•trices s’arrête sur le point final. Sauf si l’auteur•e les tue, leur vie continue dans l’infini immatériel des pages non écrites et des mots jamais posés. Et même s’ils meurent dans le récit d’ailleurs, ils continueront à vivre dans l’imaginaire des êtres de chair ayant partagé un peu de leur aventure.
Dans ces conditions, je trouve que concevoir une fin est un exercice difficile et presque factice. Imaginez que quelqu’un vous demande de rédiger votre autobiographie. Quel(s) épisode(s) de votre vie écririez-vous, pourquoi, et à quel moment arrêteriez-vous le récit ? (Certainement pas à votre mort puisque, a priori, si vous réalisez votre autobiographie, c’est que vous n’avez pas déjà les deux pieds dans la tombe.) Comment concevoir la fin d’une chose qui n’en a pas d’arrêtée à l’instant T ?
De surcroît, s’arrêter sur le choix d’une fin… c’est renoncer aux 10 autres idées de fin que j’avais, et à leurs 1001 conséquences intéressantes pour la suite du récit. Dur !
Et vous, arrivez-vous facilement à trouver les fins de vos histoires ?
Merci de m’avoir lu,
Chris
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Me revoilà sur ton blog ! Ca fait une éternité que je ne suis pas venue, j’avais besoin d’une pause de la blogosphère, la faute à mon boulot beaucoup trop prenant et à un certain épuisement.
Je n’ai pas encore vraiment eu à me poser la question de la fin de mon roman, car en tant qu’exploratrice, je construis au fur et à mesure que j’écris. J’imagine qu’une fin se profilera quand le moment sera venu (je l’espère, en tout cas). Par contre, j’écrivais beaucoup de textes très courts que j’appelais des OS, qui n’étaient pas des nouvelles mais des histoires courtes, et cela m’a beaucoup aidée dans la recherche d’une fin pour mes histoires. Et au pire, si ta fin ouvre sur autre chose, c’est plutôt positif non ? La seule chose qui doit être difficile, c’est de ne pas tomber dans la fin « queue de poisson » qui n’en est pas vraiment une et qui frustre le lecteur. Mais il me semble que les meilleures fins sont toujours des ouvertures.
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RE-bienvenue sur ces pages ! Cela fait plaisir de te revoir ^^
J’écris pas mal d’OS aussi, le défi étant de ne pas y investir tout mon temps au détriment de l’histoire principale, mais il est vrai que cela peut aider à mieux cerner certains enjeux de son univers, certains personnages, ou même à s’entraîner sur les chutes sans exiger le big « whaou » final de la nouvelle.
Et comme tu dis, vivent les ouvertures 😉 Mais c’est parfois délicat de trouver le juste milieu entre une fin ferme et une ouverture qui ne donne pas trop envie aux lecteurs d’avoir une suite.
Bon courage pour le boulot, et @ bientôt quelque part,
Chris
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La fin souvent ouvre la porte au renouveau !
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C’est vrai, et c’est précisément ce qui me fait penser que la notion de « fin » est une notion factice, que rien ne finit jamais vraiment puisque la fin d’une chose entraîne d’autres choses 🙂
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Merci beaucoup pour ton passage et ton commentaire ! On dirait que nous n’avons pas fini de nous trouver des points communs 😉 J’ai longtemps été incapable aussi de finir un texte (et c’est très frustrant, en effet), heureusement, ma participation au NaNoWriMo m’a été bénéfique pour remédier à ça. Mais ce n’est pas pour autant que j’aime les fins que j’écris… Tout particulièrement dans l’art de la nouvelle où la chute est d’une importance vitale (enfin, cela dépend des auteur•e•s, les nouvelles de Dino Buzzati par exemple n’ont pas toutes de vraies fins surprenantes comme on l’attend normalement d’une nouvelle et pourtant, elles restent très chouettes).
@ bientôt quelque part !
Chris
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À mon tour de te dire que c’est un article que j’aurais pu écrire… Je suis totalement d’accord avec toi quant au thème de cette ‘fin’ et je me rends compte grâce à toi que c’est peut-être bien cela qui m’empêche d’avancer dans mes romans. Je suis incapable d’aller au bout de ceux-ci, je suis perpétuellement en train d’écrire de nouveaux débuts de récits alors que je n’en finis aucun, et c’est tellement frustrant… Mais tu as posé des mots sur ce qu’au fond je pense être mon problème également. Et pourtant, de s’imaginer que rien n’a de fin, c’est tellement beau. Se dire que concrètement parlant tout a une fin, mais qu’ au-delà, tout continue de vivre, tout continue de se produire…
Bravo pour cet article magnifique !
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